mardi 27 février 2007

"notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres"

Lu dans Du côté de chez Swann de Marcel Proust :

Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n’a qu’à aller prendre connaissance comme d’un cahier des charges ou d’un testament; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l’acte si simple que nous appelons «voir une personne que nous connaissons» est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l’apparence physique de l’être que nous voyons, de toutes les notions que nous avons sur lui et dans l’aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la sonorité de la voix comme si celle-ci n’était qu’une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons.
"Vous m'avez dit souvent que la longueur des phrases de Proust vous exténue. Mais attendez seulement mon retour et je vous lis ces interminables phrases à haute voix : comme aussitôt tout s'organise ! comme les plans s'étagent ! comme s'approfondit le paysage de la pensée !"
disait André Gide à propos d'À la recherche du temps perdu. Et c'est vrai que je comprend mieux, j'en ai mal à la gorge !

Aucun commentaire: