mercredi 14 juin 2006

"On est puceau de l'horreur comme on l'est de la volupté."

Hey Cher Lectrice/teur

Ça faisait un baille que j'étais pas venu par ici. Pour une raison simple, je n'avais pas grand chose à dire, ou la paresse pour l'écrire...

Aujourd'hui je vais te parler de ce que j'ai lu ces derniers temps. C'est en janvier de cette année que j'ai commencé à lire pour de vrai, des romans surtout, des classiques en priorité, parce que, j'avoue, j'étais, et je le suis toujours, inculte de ce côté là. Il m'arrive de lire un livre par semaine, c'est une boulimie, il faut que je lise de 1 à 100 pages par jour. Le temps ? Je le grignote dans le superflue.

Je vais te parler de mon cycle : livres rudes. J'ai commencé avec "Si c'est un homme" de Primo Lévi, j'ai continué avec "Voyage au bout de la nuit" de Céline, "De Sang Froid" de Truman Capote, et le enfin, celui que j'ai terminé il y a une semaine, "Mort à Crédit" de Céline encore.

Certains initiés se demanderont comment je peux aligner ces titres de façon à les rendre si équivalents. Ils ne s'équivalent pas ces livres. Ils se complètent, proposant, chacun à sa façon un portrait des Humains.

Comment j'ai pu parler dans la même ligne, sur le même plan de Primo Lévi et de Céline ? Là encore, c'est des humains, le premier, Juif, qui fut enfermé dans un camp de concentration, le dernier, ouvertement antisémite et raciste.

"Si c'est un Homme"

Pendant quelques temps, avant de prendre le livre en main, avant de voir le titre original "Se questo è un uomo" je me suis interrogé sur son sens, essayant de l'interpréter avec "Oui c'est un homme" ou "Si d'aventure, c'est un homme". Si j'en déduis de l'italien, c'est la deuxième solution. Mais je crois que la première convient aussi : "oui c'est (ce sont) un (des)homme(s) qui a (ont) vécu cette horreur", "oui c'est (ce sont) un (des) homme(s) qui a (ont) décidé et mis en place cette horreur"

"Si c'est un homme" raconte l'expérience des camps d'extermination des Juifs, vécue par Primo Lévi, un Juif Italien, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été arrêté en 1944, en Italie, alors qu'il débutait des activités de résistant, dans un groupe très peu organisé. Il est envoyé à Auschwitz, dans un camp de travail. Ce récit m'a horrifié. On met, autant faire ce peut, des mots sur les horreurs vécues par ces victimes. Il le raconte sous la forme de rapport, sans émotion explicite, mais on la sent latente. Chaque aspect est décrit avec précision. La nourriture, les soins, la toilette, le travail, l'organisation. Il en sort la faim, le froid, la déshumanisation, l'humiliation... oui l'humiliation. Non seulement on allait assassiner ces prisonniers, mais avant, on tentait, je dis bien "tentait" parce que certains résistaient, de leur ôter toute humanité, tout amour-propre, toute dignité... un effacement complet de la personne. Avec un tel témoignage, écrit en 1947, on se dit plus jamais ça ! et pourtant, Amnesty Internationale dénonce tous les ans, la situation dramatique des droits de l'homme dans certains pays, même ceux dits civilisés.

Un livre à lire, relire, faire lire absolument, pour ne pas oublier.

"De Sang Froid"

Je l'ai lu après avoir vu le film sur la vie de Capote au moment où il a écrit ce roman-fiction.Truman Capote était un journaliste-écrivain qui travaillait pour le New Yorker, très mondain, maniéré, homosexuel et, je pense, totalement éloigné du commun des mortels. Un jour de 1959, en lisant le New-York, il est tombé sur un fait divers, publié sur une petite colonne : 2 hommes tuent une famille entière au Kansas sans mobile apparent. Capote va se lancer dans une enquête rigoureuse sur place, un endroit à la mentalité totalement différente de celle de New-York. Il décrit chaque victime, leur vie avant le drame, leurs liens, leurs passions... il raconte l'environnement, la ville elle-même, ses habitants... toujours aussi minutieusement, puis enfin, il rencontre les 2 tueurs, 2 jeunes à la vingtaines, récemment sortis de taule... qui sur des tuyaux fumeux, sont allés chercher de l'argent liquide dans la maison de cette famille alors qu'ils n'avaient pas de liquide à la maison... n'ayant aucun butin, l'un d'eux, s'est dit "chiche" et les as tués un par un. Le père, le fils plus jeune, la fille, et la mère... Capote a le don de tout replacer dans son contexte, examiner, décrire minutieusement les protagonistes, leur histoire, leur environnement et surtout la non-mobile du crime. Bah oui, le tueur avait joué les durs en prison, inventé un meurtre qu'il avait pas commis, quand son associé lui a suggéré "chiche" il les a tués, de sang froid, laissant une tripotée d'indices... Capote s'est "dangereusement" entiché du plus jeune du duo, le meurtrier. Celui-ci "écrivaillait" des poèmes, se ventait de connaître des mots, corrigeait le langage de son partenaire. Il a joué sur la corde sensible avec Capote, espérant éviter la potence...

"Voyage au bout de la nuit" et "Mort à Crédit"

Céline est un cas. "Louis-Ferdinand Destouches, plus connu sous son nom de plume Louis-Ferdinand Céline, généralement abrégé en Céline, (né le27 mai 1894, à Courbevoie, et décédé le 1er juillet 1961, à Meudon), est un écrivain et un médecin. Sa pensée nihiliste est teintée d'accents héroïcomiques et épiques emplis d'une force et d'une vivacité inouïes. Controversé, essentiellement pour ses écrits antisémites (pamphlets), publiés entre 1937 et 1941 - réimprimés pendant l'occupation -, il n'en demeure pas moins un écrivain majeur de la littérature française pour le reste de son œuvre, plus particulièrement ses romans." [Wikipedia]

"Voyage au bout de la nuit" a été son premier vrai roman, il y raconte les aventures de Ferdinand Bardamu. Il s'inspire de son expérience pendant la Première Guerre Mondiale. Les aventures de Bardamu à la guerre, en Afrique, aux U.S.A., en banlieue parisienne en tant que médecin. C'est d'une richesse ! Surtout, ce qui emporte tout c'est le style. Il écrit à la première personne avec un langage parlé et imagé. Ce style a inspiré Audiard et San Antonio... Ça glisse tout seul. C'est un type qui te raconte, dans le détail son histoire, que ça te plaise ou non, sans fanfaronnade, sans héroïsme... il avait qu'une seule envie pendant la guerre, se faire emprisonner, être à l'hôpital, loin... Il est anti-guerre, antinationaliste, anti-connerie et pourtant... il a écrit les pamphlets les plus violents de l'histoire de l'anti-sémitisme et du racisme !

Dans "Mort à Crédit" même style, toujours inspiré de sa vie, de son enfance surtout. C'est cruel, comme le Voyage. J'ai entendu des gens dire qu'ils n'arrivent pas à lire ses romans parce qu'ils sont haineux... c'est vrai, si tu restes en premier plan, la première impression c'est qu'il n'y a aucun amour... et puis je sais pas, peut-être je suis le seul, on y trouve de la tendresse. Comme les bougons très durs qui s'effondrent en larmes dès qu'on leur fait un compliment... "Mort à Crédit", a une apparence haineuse, mais en fait l'enfant est terriblement malheureux. Ses parents lui attribuent la cause de tous leurs malheurs. Ça crie, ça cogne, ça chiale... il ne peut que se raidir et/ou faire le con... en révolte... mais la fin... la fin sauve tout... cet être si rude, méchant presque, d'apparence insensible, se brise en mille morceaux, c'est l'une des fins de livre les plus émouvantes que j'ai jamais lu.

Je ne comprends pas, comment un type avec se talent, cette vue, cet esprit ai pu être si haineux envers les juifs, les étrangers... c'est incompréhensible...

Citations :

"La guerre en somme c´était tout ce qu'on ne comprenait pas. Ça ne pouvait pas continuer. Voyage au bout de la nuit (1932)

Si vous voulez vraiment vous débarrasser des Juifs, alors, pas trente-six milles moyens, trente-six mille grimaces : le racisme !... Racisme ! et pas un petit peu, du bout des lèvres, mais intégralement ! absolument ! inexorablement ! comme la stérilisation Pasteur parfaite... Qu'ils crèvent tous d'abord, après on verra. Bagatelle pour un massacre (1937)" [Wikipedia]

Ce type pose une question essentielle : lorsqu'on aime une oeuvre, doit-on aimer son auteur ? Est-ce que si, Hitler peignait des toiles merveilleuses, on pourrait les aimer, les acheter, les admirer ?... et Wagner ?

C'est dérangeant. Comme si tu hésitais à aller cueillir une fleur poussant au centre d'un champ de purin... la décision est à chacun...

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